Histoire des stockages de l'information
De la tablette d’argile au Cloud
En science de l’information, il est considéré que l’humanité est entrée dans l’Histoire avec l’invention de l’écriture aux environs de – 4000 av JC.
Cette invention tend à permettre la sauvegarde et la transmission d’information dans le temps. Pour en savoir plus : [L'aventure des écritures - Bibliothèque National de France](http://classes.bnf.fr/ecritures/arret/lesecritures/cuneiforme/index.htm)
Nous sommes toujours capable de déchiffrer les informations contenues sur des tablettes d’argile avec précision :
- inventaire de tête de bétails,
- preuves d’échanges,
- titres de possessions…
Nous pouvons également envisager que l’écriture était utilisée pour des questions culturelles (cultes, croyances…) et mémorielles.
Cette démultiplication des supports d’information peut s’expliquer par la volonté humaine de sauvegarder et transmettre de manière pérenne et exhaustive des éléments structurants d’information.
Il y a également de fort enjeux en terme de communication à distance avec des objectifs beaucoup plus variés : commerciaux, diplomatiques, sentimentaux…
Des progrès techniques qui accompagnent les besoins grandissant de communication
A partir du XVème siècle en occident, avec l’avènement des techniques de l’imprimerie qui ont supplantées très rapidement les moines copistes sur leurs parchemins, les capacités d’édition et de duplication ont entrainées une plus large diffusion des savoirs de l’époque et en particulier des religions grâce à une très large diffusion de la Bible.
Ce progrès s’est accompagné petit à petit d’une démocratisation de l’instruction, ce qui a ouvert le champ à la diffusion de connaissances dans d’autres domaines. Par exemple, la diffusion des idées novatrices de la Réforme ou ensuite celles du siècle des Lumières ont été le catalyseur d’importantes avancées sociales et politiques dans l’histoire.
D’autres supports physiques vont faire leurs apparitions en particulier à partir du XIXème siècle :
- Plaques de verre pour les premières épreuves photographiques,
- Nitrate de cellulose pour les pellicules souples pour le cinématographe,
- Cylindre métallique, disque celluloïd puis en caoutchouc vulcanisé qui donneront les micro-sillons, puis le vinyle pour le stockage et la diffusion du son.
Mais le papier va rester le principal support physique de stockage de l’information :
* encodage de l’information en binaire sur du papier cartonné perforé
* impression du papier par réaction chimique avec la photographie noir et blanc…
## La carte perforée
Apparue sur les premiers métiers à tisser semi-automatiques et mise au point par Joseph Marie Jacquard en 1801, la carte perforée n’évoluera qu’à la marge pour être utilisée lors du recensement de 1890 aux Etats-Unis et deviendra ainsi le support de l’informatique durant près d’un siècle jusque dans les années 1980.
carte perforée à 80 colonnes d’IBM (type le plus utilisés au XXe siècle)
Des progrès dans la miniaturisation et l’agrandissement d’images vont permettre le stockage miniaturisé sur plaque de verre ou microfilms offrant ainsi de plus grandes capacités de stockages dans un même espace. Mais leurs usages seront cantonnés à l’archivage.
Avec les différents progrès techniques et technologiques, en particulier avec l’électricité et le magnétisme, avec l’apparition des premiers ordinateurs personnels et la volonté d’automatiser le traitement de plus d’informations plus complexes, de nouveaux supports stockant l’information sous forme binaire vont voir le jour :
* tambours, bandes et disques magnétiques (bandes, disques dur, cassette, VHS…)
* disques optiques (formats CD, MiniDisc…)
* stockage électronique (mémoire flash, cartes mémoires, clés USB…)
Les capacités de stockages s’envolent et les coûts s’effondrent permettant une numérisation et une dématérialisation de plus en plus importantes au fil du temps.
## Un volume d’informations en constante augmentation
Avec le développement des techniques de communications modernes, favorisé entre autre par l’explosion des médias, par les besoins liés à la démultiplications des échanges commerciaux mais aussi par la volonté d’archivage des connaissances, les volumes d’informations créés, diffusés, stockés… tendent à exploser.
Dans un contexte professionnel ou scientifique, pour de la prospective économique, pour de la gestion de flux financier, pour de l’analyse de données comportementales d’usagers, pour le développement de nouvelles théories expérimentales, ces nouveaux « supports » dématérialisés de données « brutes » ou « semi structurées » sont idéaux :
* accessibles de partout
* disponibles à chaque instant
* continuellement à jour et exhaustif
* illimités en capacité de stockage
Que ce soit dans des bases de données de plus en plus vastes disséminées en ligne sur différents serveurs ou pour employer le vocabulaire du « BigData » : sous la forme de « dataset » immergés dans des « datalake » dans le « cloud » 😉
## Pérennités des supports de stockage
Cette « disparition » du support physique de l’information pose questions pour notre histoire individuelle et pour l’Histoire.
A titre personnel, avec la dématérialisation de nos usages (communication, achats) et l’omniprésence du smartphone dans nos vies, l’ensemble des données que nous produisons tendent à être stockées de plus en plus « virtuellement » dans nos « cloud » personnels ou sur des supports qui ont une durée de vie somme toute extrêmement limitée compte tenu des usages que nous leurs faisons subir.
Cette dématéralisation numérique de nos « vies » nous expose également d’autant plus aux menaces de « cybersécurité » : ransomware, vol et perte des smartphones, usurpation d’identité…
La conservation des données est également sujette à d’autres risques inhérent aux formats et aux supports de stockages : la capacité de lire les données inscrites sur ces supports digitaux.
Les différents supports numériques utilisés par le passé, ont été mis au point et utilisés dans des contextes d’explosions et de démocratisation des usages. Hors, les années peuvent avoir des effets extrêmement délétères sur la stabilité et la lisibilité des supports.
De plus avec la disparition des lecteurs de disquettes et de CDRom sur les ordinateurs personnels, des magnétoscopes dans les foyers, l’usage de logiciels et de formats propriétaires ou l’arrêt des développements dans certains langages par exemple, il devient impossible d’accéder et/ou de récupérer les données stockées sur ces anciens supports.
Il en découle pour le grand public, une perte de « mémoire » personnelle potentiellement importante.
Et dans un contexte social et historique plus large, la question de l’archivage des données et de l’accès pérenne à (très) long terme est de fait d’autant plus primordiale.
Dans les différents pays occidentaux, diverses politiques de numérisation des archives ont été mises en oeuvre. Pilotées par des acteurs différents, dans des contextes techniques hétérogènes et des contraintes financières différentes, dans des périodes différentes, les supports, formats et résolutions d’archivages sont très éloignés de toute uniformité, impliquant de fait de nombreuses difficultés que ce soit en terme d’accessibilité, de mise à disposition ou de standardisation.